Imaginez votre garçon de 15 ans: il est bon à l’école, il a plein d’amis, il joue au soccer toutes les semaines, il communique bien avec vous et avec sa soeur. Il n’aime pas Justin Bieber mais adore Loco Locass. Il vous en parle. C’est drôle. Il aime prendre des bières pendant les séries. Il prend soin de lui. Il est cool. Vous êtes allé avec lui à l’ouverture de la pêche en Mai: 3 beaux dorés. Tout est beau.
Et puis, depuis un mois, il rit tout seul. Il ne se lave plus comme avant.
Il s’isole. Ses notes deviennent catastrophiques. Il pense que Dieu parle à travers les chansons de Loco Locass, que Justin Bieber est un membre maquillé de l’état islamique. Vous vous demandez s’il prend du cannabis. Il vous envoie promener, il insulte sa sœur qu’il pense jalouse de son don pour la télépathie. Il frappe les murs de sa chambre pour que le vacarme cesse. Tout s’assombrit. Vous vous sentez démuni.
Les premiers signes des troubles sérieux de santé mentale peuvent être subtils, insidieux et difficiles à interpréter, mais les chercheurs et cliniciens comme Ashok Malla prétendent néanmoins que les résultats à long terme chez les personnes atteintes de schizophrénie et de troubles connexes peuvent être améliorés de façon significative par le biais d’une identification précoce, de traitements spécialisés et, au besoin, d’interventions préventives. On considère généralement que les résultats des traitements de la psychose n’ont que de faibles taux de réussite. Néanmoins, il semble de plus en plus établi, notamment par les travaux menés par le Dr Malla, que les retards dans le traitement initial de la psychose pourraient être un facteur important de ces piètres résultats. Ces conclusions ouvrent la voie à l’intervention précoce comme moyen d’amélioration des résultats. L’intervention précoce est d’autant plus pertinente, dans une perspective sociale, que la maladie débute généralement chez les personnes jeunes, entre 14 et 30 ans à un moment crucial ou l’on fait des choix dans ses orientations académiques, professionnelles, sentimentales, géographiques.
Ashok Malla est une personne qui s’est tenu debout du Cachemire à Montréal face à ce qui est souvent considéré comme une fatalité sans grand espoir. Déterminé, il a comme ses collègues en Australie, en Norvège, préconisé d’aller au devant de la crise, de l’urgence, de l’attentisme. Il s’est manifesté pour l’attention portée aux prodromes, pour l’intervention Outreach dans les écoles, dans la rue. Il est devenu un leader international dans le développement de programmes globaux d’intervention précoce et de recherche touchant la psychose.
Son programme de recherche est crucial : Les retards dans le traitement, l’accès aux soins et l’évaluation des interventions visant à diminuer ces retards. Les prédicteurs neurobiologiques, psychosociaux et thérapeutiques de succès lors d’un premier épisode. Les facteurs de stress, de vulnérabilité et de protection chez les sujets à risque extrêmement élevé de psychose. L’immigration et l’ethnicité en regard de la psychose.
Il est impliqué dans l’AQPEP et Le Consortium canadien des premiers épisodes. Son parcours humain, mondialiste, ses deuils, son ouverture vers la science, la clinique, l’organisation des soins, la prévention, la littérature indienne, anglaise, (et peut –être française) sa prudence, son esprit critique, son éthique ont fait de lui un modèle à suivre au Canada, au Québec et à notre Université. Il est bon qu’en ces journées de graduation, notre jeunesse trouve des inspirations. Dr Malla, dans sa passion pour la jeunesse à risque, fait briller ces inspirations, comme les montagnes orangées du Cachemire le soir où il n’y a pas de guerre.
Discours du Dr Emmanuel Stip
Collation des grades
Le 22 juin 2016