Ce mot du directeur est le dernier avant une importante rencontre de notre département universitaire qui est la retraite à Tremblant.
Comme tous les deux ans, c’est une occasion importante de pouvoir échanger à l’aide de nouvelles modalités en communiquant dans les deux sens et non pas seulement une réunion d’information. Cela nous autorise également d’approfondir certains sujets et de faire des recommandations pour contribuer à l’orientation du département. Cette année, les enjeux sont primordiaux, car il y a des influences manifestes des récentes lois gouvernementales sur l’organisation clinique de l’enseignement et de la recherche pour la psychiatrie universitaire.
Ce sera ainsi l’occasion pour les pédopsychiatres de continuer la réflexion de la précédente réunion sur un département unique de pédopsychiatrie. Le lendemain, il y aura une discussion fondamentale sur les programmes de 12 à 25 ans qui sont absolument nécessaires pour notre département universitaire et ce, d’autant plus que nous sommes en retard lorsque nous nous comparons avec tous les départements universitaires du Canada à cet égard. Ce sera également l’occasion que les chercheurs puissent avoir leur propre Assemblée. Cette Assemblée des chercheurs existait il y a quelques années et était proposée et animée par Richard Boyer, mais devant le manque d’assistance elle s’est évanouie peu à peu. C’est une occasion pour les chercheurs de faire le point sur leur carrière et leur relation avec l’Université, la Faculté et le Département et de communiquer des enjeux et des préoccupations importants à la direction départementale de façon plus directe et plus organisée. Dans le contexte de la réorganisation de l’Université et des contraintes financières, c’est un enjeu important. Nous en profiterons également pour honorer deux professeurs pleins temps géographiques (PTG), les docteurs Jacques Monday et Arthur Amyot pour leur service rendu à la vie universitaire.
Un autre point important pour le Département est que vous avez sans doute reçu les informations de la FMSQ et de l’AMPQ sur des formations professionnelles continues sous forme de questions à partir d’articles. Il s’agit d’un crédit de section 3 très enrichissant. Ces questions, auxquelles vous avez accès sur le site de l’AMPQ et de la FMSQ, sont tirées à partir des articles de la revue Santé mentale au Québec. Ces questionnaires proposent un pré-test et un post-test et ont l’intérêt de se relier à des articles qui sont écrits à partir de la réalité québécoise de la santé mentale. Parfois cette psychiatrie y est confrontée à d’autres modèles internationaux. Je vous invite donc à bénéficier de cette formation de niveau 3, car certains des auteurs des articles sont aussi membres de notre Département universitaire.
La revue Santé mentale au Québec est toujours bien active et normalement vous devez avoir accès, par vos établissements, à l’ensemble des volumes qui paraissent 2 à 4 fois par année. La dernière thématique était sur les identités de genre et le tout dernier, qui paraît ces jours-ci est sur la thématique de l’accès à la psychothérapie. Ce numéro sera accessible à l’ensemble des membres du Département et aux psychiatres du Québec, car il s’agit d’un enjeu fondamental pour notre société québécoise. En tant que département universitaire de psychiatrie, nous rappelons également par l’entremise de ce numéro l’importance que nous accordons aux psychothérapies, à la formation de résidents en psychothérapie, au maintien des compétences en psychothérapie et nous confirmons notre position que la psychothérapie est inhérente à la fonction de psychiatre. Ce numéro est un très beau numéro d’analyses critiques sur ces questions et place la psychothérapie dans une perspective multi-corporatiste et multidisciplinaire dans lequel, à notre avis, les psychiatres ont un rôle crucial.
Nous avons le plaisir d’accueillir dans notre département une nouvelle chercheuse qui nous revient de l’Université Harvard à Boston. Il s’agit de Marie-France Marin qui s’installera au Centre de recherche Fernand-Seguin. La docteure Marin est une jeune chercheuse exceptionnelle dont la thématique est liée au stress, son imagerie et ses marqueurs.
Vous savez probablement que j’ai une inflation de réunions pour les comités de sélection des chefs de département en raison de la nouvelle loi des CIUSSS. Nous avons le plaisir de confirmer la position de chef de département pour deux collègues qui ont été sélectionnés. La docteure Claire Gamache a vu son mandat renouvelé au CISSS de Laval. La docteure Claire Gamache a effectué un travail extraordinaire lors de son premier mandat. Elle est régulière avec ses communications avec nous et est appréciée par l’ensemble de ses collègues et par le milieu dans lequel elle travaille. Nous la félicitons et sommes désireux de continuer l’excellente collaboration avec elle pour son milieu qui est en plein développement et qui va assurer sans aucun doute une responsabilité croissante dans l’enseignement auprès des externes et des résidents en psychiatrie et en médecine familiale. Nous avons également le plaisir d’accueillir la docteure Marie-Claude Parent pour le CIUSSS du Centre du Québec qui regroupe Trois-Rivières, Shawinigan, Drummondville et Victoriaville. La docteure Parent est psychiatre à Drummondville. Nous la con- naissons peu et normalement Drummondville est dans le RUIS de l’Université de Sherbrooke, mais étant donné les réorganisations, elle aura un rôle non négligeable pour notre corps professoral installé à Trois-Rivières et à Shawinigan et qui reçoit déjà des externes et des résidents qui appartiennent à notre Département. Nous lui souhaitons la bienvenue.
Je profite de ce mot du directeur pour féliciter et remercier tous vos chefs de départements hospitaliers qui assument une responsabilité pleine de défis et contraignante dans ce nouveau contexte. Ils sont présents au Conseil du Département et tentent d’assumer avec conviction les responsabilités liées à la fois au système hospitalier et au milieu universitaire. Ce sont eux qui sont présents dans de nombreuses réunions et qui permettent le recrutement de nouveaux professeurs et vous rédigent également les lettres de recommandation pour les nominations ou les promotions.
Dans ce contexte, chacun d’entre eux, dans tous ces rouages administratifs, a besoin d’encouragement et je vous invite tous à leur envoyer un courriel respectif pour les féliciter de leur engagement dans cette organisation de soin qui est affiliée à l’Université.
Je voudrais féliciter deux initiatives particulières au sein du Département. Le premier est le groupe de Maisonneuve-Rosemont qui a monté le séminaire Sciences humaines et psychiatrie. Odette Bernazzani, Vicenzo Di Nicola et récemment un résident, Christian Desmarais, qui a mis un blogue à la disposition pour que les discussions s’engageant autour d’une question émanant de ce séminaire. Les questions qui y sont abordées sont très vivifiantes et témoignent également de notre souci d’insérer la psychiatrie non seulement au sein de la neuroscience, mais également dans les nouvelles sciences humaines.
L’autre entité qui mérite des encouragements est le Centre d’excellence en électroconvulsivo- thérapie (CEECTQ) qui est coordonné par Morgane Lemasson et qui est dirigé par Simon Patry. C’est un Centre d’excellence qui est né en 2012, mais qui prend véritablement son essor récemment avec des publications conséquentes et la mise au point d’un registre qui va devenir important à la fois pour les orientations cliniques, les bonnes pratiques, l’enseignement et la recherche. C’est un effort qui est soutenu par l’Institut universitaire.
Ouanessa Younsi édite et publie les Femmes rapaillées, un ouvrage pour lequel il y a une invitation que vous avez reçue pour le lancement. Nous avons hâte de lire à travers sa poésie habituelle les mots qui seront reliés aux femmes qui sont baptisées rapaillées.
Je ne peux laisser sous silence également le rôle de la docteure Marie-Ève Cotton de l’Institut universitaire dans ses chroniques et éditoriaux récurrents en prenant position à l’égard d’enjeux de société importants reliés à la psychiatrie. Sa pertinence et son style l’honorent et nous sommes fiers à notre Département de pouvoir bénéficier une fois de plus des talents de l’une de nos membres du corps professoral.
Nous sommes positionnés au sein du Département, comme tout le courant de médecine actuel, dans la mouvance des pratiques basées sur des données probantes. Je voudrais signaler une série d’articles qui remet en jeu nos croyances habituelles et qui, étant donné qu’elles sont basées sur des données probantes, devrait éventuellement modifier notre pratique. Je sais d’ores et déjà que des collègues sont contre ces nouvelles données probantes et il est intéressant de constater notre attitude d’accepter ou de rejeter les données probantes selon qu’elles correspondent à nos opinions ou nos pratiques. Cela mériterait un colloque ou une réflexion au sein de notre Département. Le premier est écrit sous l’excellente responsabilité de Stéphane Leucht de Munich dans un article de JAMA paru en février 2016 concernant la Clozapine et nous fait part d’une macrométa analyse sur les impatients réfractaires. Il a répertorié plus de 5 000 patients ayant participé aux essais contrôlés randomisés. Sa conclusion est défiante : « The most surprising finding was that Clozapine was not significantly better than most other drugs. » J’avais pour ma part toujours cette impression, qui se confirmait dans ma pratique de la Clozapine, était un médicament plus efficace pour les patients réfractaires. Décidément, Stéphane Leucht et son expertise scientifique n’est pas timide pour nous renverser dans nos convictions. La deuxième série d’articles est liée à l’ordonnance de traitement. Il s’agit d’un éditorial et de deux articles parus dans le Canadian Journal of Psychiatry dans le volume 6, 2016, numéro 4 et 6. L’éditorial de John Dawson conclut à la nécessité de revoir notre opinion par rapport à l’efficience des ordonnances de traitement. Les deux articles basés sur les données probantes reliées à des études bien réalisées sont écrits par Steve Kisely et Jorun Rugkasa. Les deux études démontrent qu’il n’y a pas davantage à demander à avoir une ordonnance de traitement sur différentes variables en particulier les réhospitalisations et les rechutes. Ceci est également assez bouleversant. Là aussi je sais que certains collègues sont contre ces données probantes. Je les invite très rapidement, au lieu de garder ces idées pour eux-mêmes, à les organiser sous forme de lettres à l’éditeur pour contredire ces deux excellents articles. Il y a sans doute à argumenter sur la position spécifique du Québec avec une loi particulière qui serait à ce moment à différencier de l’ensemble de données probantes présentées dans ces articles. Cette invitation est importante.
Je voudrais presque finir par vous témoigner d’une réussite extraordinaire dans ce qu’on appelle le transfert de connaissances. Je crois que chacun d’entre nous devrait lire ce livre, car il est une excellente mise en œuvre de ce qu’est le transfert de connaissances lorsqu’il s’agit de transmettre un savoir assez complexe, basé sur une science parfois ardue, à un grand public de la population générale. Il s’agit du livre « Le Charme discret de l’intestin: Tout sur un organe mal aimé » de Giulia Enders. Ce livre est un bijou et un modèle et devrait presque faire partie du contenu de notre enseignement tant on réactive l’intérêt d’un de nos organes et ses luttes intestines dans ces rapports avec le cerveau et l’esprit.
Pour finir, je vous partage cette impression que ce début d’année 2016 est une année très spéciale par le nombre de décès de personnes importantes pour notre culture et notre vie en société. Les chanteurs, les imprésarios, les artistes et cinéastes dont un meurt deux fois, nous rappelle le temps qui reste. Umberto Eco, un illustre de notre culture est récemment décédé. Il avait ravivé sans doute, pour un grand nombre d’entre nous, un grand intérêt pour les bibliothèques. Dans ce contexte, je vous invite avec enthousiasme à aller à la Grande bibliothèque de Montréal et voir l’exposition virtuelle de 10 des bibliothèques les plus fascinantes au monde, créée par Robert Lepage. Il s’agit d’un moment délicieux où à l’aide de lunettes de réalité virtuelle vous voyagez au cœur de la bibliothèque d’Alexandrie, de Washington, de Paris, d’Ottawa, etc. Les psychiatres, en effet, ne doivent pas s’éloigner des bibliothèques. Je suis parfois inquiet d’entrevoir qu’un manque de culture pourrait se manifester aux portes de l’avenir de la psychiatrie.
Bonne lecture, bonne visite et à bientôt lors de notre retraite.
Emmanuel Stip