Crimes haineux, violence conjugale, homicides, extrémisme, gangs de rue : les indicateurs sont au rouge en ce qui concerne l’augmentation de la violence au Canada. Pour les experts regroupés à l’Université McGill mercredi, il y a urgence de comprendre pourquoi, et de mieux former les gens en conséquence.
Dans les dernières années, il y a eu une augmentation de 30 % des homicides, de 28 % de la violence conjugale et de 30 % des crimes haineux au pays, selon les données de Statistique Canada.
Si la société est toujours plus sécuritaire qu’il y a 30 ou 40 ans, cette augmentation rapide est alarmante, estiment deux chercheuses et professeures spécialisées en psychiatrie.
Elles ont décidé d’agir. « Les phénomènes changent très vite », explique l’une d’elles, la Dre Cécile Rousseau, professeure en psychiatrie à l’Université McGill. « La violence qu’on vit aujourd’hui ne se conçoit plus dans les silos qu’on avait avant : violence conjugale, violence des gangs, violence extrémiste, ou violence liée à des troubles majeurs en santé mentale. Toutes ces choses sont en train de se mélanger », ajoute la directrice scientifique de l’Équipe recherche et action sur les polarisations sociales.
Accélérateur de ce mélange explosif : les réseaux sociaux, l’internet, et maintenant l’intelligence artificielle. C’est ce que soutiennent les recherches de Ghayda Hassan, professeure de psychologie UQAM et fondatrice du Réseau des praticiens canadiens pour la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, rencontrée sur place mercredi.
Dans les derniers mois, des drames ont secoué le Québec. Comme ce chauffeur d’autobus qui a foncé dans une garderie à Laval, tuant deux enfants et faisant plusieurs blessés. Ou le meurtre de la sergente Maureen Breau, poignardée en service par un suspect souffrant de problèmes psychiatriques.
« Il va y avoir encore des gestes de violence, on s’en va vers une tempête, avertit la Dre Rousseau. Mais on est capable de se mettre ensemble et – pour reprendre la métaphore de la pandémie – d’aplatir la vague. »
Mieux former pour faire face à la violence
Des experts dans différents domaines liés à la violence se sont regroupés à l’Université McGill mercredi pour mettre en commun leurs savoirs. Une première étape, selon eux, serait de mieux former la société.
« C’est assez étonnant à quel point [nos professionnels] ne sont pas outillés quand ils arrivent [sur le terrain] », soutient Anne Crocker, professeure au département de psychiatrie et de criminologie de l’Université de Montréal. Elle a co-organisé le forum de mercredi avec la Dre Rousseau.
« Il existe des formations spécialisées de toutes sortes, mais il faut quelque chose qui soit plus général et qui tienne compte du contexte social, qui évolue », ajoute Mme Crocker, aussi directrice scientifique de l’Observatoire en justice et santé mentale.
Une telle formation pourrait être offerte dans les écoles, à la DPJ, dans le milieu de la santé, par exemple.
Les spécialistes souhaitent aussi améliorer l’accès aux données sur la violence en temps réel. Autre proposition : réfléchir au discours public quand il y a un drame. « Il faut rassurer les gens, parce que quand on dit qu’il y a beaucoup de violence, mais qu’on ne sait pas c’est dû à quoi, qu’on ne sait pas quoi faire, c’est très paniquant pour le public », affirme la Dre Rousseau. Enfin, ils veulent documenter des initiatives qui fonctionnent pour réduire la violence, ici comme ailleurs.
Source et article complet dans La Presse : Des expertes veulent « aplatir la courbe » de la violence au Québec | La Presse
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE | Dans le cadre du Forum « Détresse, santé mentale et violence », entretien avec la Dre Cécile Rousseau, directrice scientifique de l’Équipe Recherche et Action sur les Polarisations sociales (RAPS) et Anne Crocker, directrice scientifique de l’Observatoire en justice et santé mentale.